Réalisation d'une antenne Lévy
Retour au menu : Les antennes décamétriques -
Manuel du Radioamateur - Index général

Voir aussi : Antennes Levy et center-fed multibande - Boîte de couplage de type F9HJ de 160 à 10 m -

 L'antenne Lévy, une sorte de dipôle relié à une boîte de couplage par l'intermédiaire d'une ligne bifilaire, est une antenne qui a fait couler beaucoup d'encre et on ne compte pas les articles publiés dans les revues ou les pages Internet qui la décrivent, l'encensent ou la dénigrent. Pierre VILLEMAGNE, F9HJ, lui a consacré tout un livre très intéressant, plein d'explications abordables et de conseils pratiques. Son titre "Les antennes Lévy clefs en main" est un peu paradoxal car s'il était possible de se faire livrer une telle antenne "clefs en main", un livre de 200 pages ne serait pas utile.
  Pourtant, s'il est aisé d'installer un dipôle de longueur quelconque, de l'alimenter par n'importe quel bout de ligne bifilaire et de placer une boîte de couplage pour relier le tout à la prise coaxiale 50 ohms d'un transceiver, il est quand même bien utile de comprendre, au moins sommairement, les principes de ce système d'antenne. L'antenne Lévy décrite dans cette page n'est pas une solution "clef en main" mais un exemple dont on peut s'inspirer tant dans sa conception que dans sa mise en place. On y verra aussi les limites de la modélisation.

Le projet
  La configuration des lieux est telle que la maison qui abrite le shack est excentrée par rapport au terrain. Il ne sera pas possible d'aligner les deux fils constituant le dipôle. La Lévy s'en accomodera.
- Le point d'alimentation sera au niveau d'une cheminée repère C sur laquelle sera fixé un potelet. Il se situera à une hauteur de 13 mètres par rapport au sol.
- Un des points d'ancrage est un poteau électrique E de 8 mètres de hauteur
- L'autre point d'ancrage est le sommet d'un mât M de près de 12 mètres de hauteur

  La distance CE est de 23 m, et il y a 25 mètres entre C et M

  La première opération va consister à faire de la place sur le trajet du fil rayonnant en supprimant l'arbre A et en élaguant sévèrement ses collègues trop proches.
  La deuxième sera la mise en place du mât M.
  La troisième est l'aménagement d'un point d'accrochage au sommet du poteau électrique qui ne nécessite pas de grimper tout en haut du poteau.
  Enfin, il faudra fixer sur la cheminée un potelet de 4 mètres qui soutiendra le point d'alimentation du dipôle.

 
Longueur de la partie rayonnante
Le but étant de pouvoir utiliser l'antenne sur toutes les bandes décamétriques du 160 m au 10 m, on cherchera à déterminer d'une part la longueur du dipôle (limitée à 2x23m par la position des points d'ancrage) et la longueur de la ligne pour que sur chaque bande l'impédance au bas de la ligne soit la plus proche possible de celle d'une résistance pure de 50 ohms.
Une première approche avec MMANA indique qu'un dipôle de 2 fois 21,5 mètres pourrait convenir avec une ligne d'une douzaine de mètres. Bien sûr toutes les bandes ne seront pas accessibles avec une impédance idéale au niveau de l'entrée du coupleur mais il devrait être possible de travailler avec toutes.


Modélisation
 Une fois l'antenne en place il est intéressant de la modéliser avec MMANA et de calculer l'impédance sur chaque bande. L'utilisation de MMANA est décrite sur cette page, ici il s'agit de MMANA-GAL, une version légèrement différente et un peu plus agréable à utiliser.
 Première opération : rentrer les dimensions des différents éléments. Comme il n'est pas facile de connaître précisément la position de chaque point, on décide d'ajuster par la suite. La case "Keep connect" est cochée, ainsi en modifiant la longueur de la ligne on garde la connection avec l'élément 5, et réciproquement.  L'élément 5 est le point d'alimentation qui relie les deux extrémités du feeder côté boîte de couplage. En cliquant sur le tableau (rep. D) des dimensions de l'élément sélectionné dans la liste déroulante "Selected Wire", on peut modifier les longueurs, positions et angles (fenêtre "Wire definition", voir plus bas).


 Les positions E, C et M sont celles qui étaient indiquées sur la figure du projet. En bleu sont les numéros d'éléments. B est la position de la boîte de couplage.  La fenêtre "Wire definition" permet de modifier les propriétés de chaque élément pour ajuster le modèle à la réalité. La longueur des brins rayonnants est prépondérante.


Première simulation
 Maintenant que l'antenne et sa ligne sont modélisées (même si la ligne a une longueur arbitrairement fixée à 11,5 mètres) on peut lancer un calcul sur l'ensemble des fréquences décamétriques puis regarder chaque bande en particulier. Le but est de voir sur quelles fréquences l'impédance au bas de la ligne est très élevée. Avec DM1=800, lancer le calcul pour la fréquence de 16 MHz. Le bouton [Plots] est alors cliquable, il permet l'affichage de la fenêtre de traçage de courbes. L'onglet "Setup" permet de modifier la fréquence centrale de la bande à examiner.

 La valeur centrale de la bande de fréquence explorée (Middle Frequency) est fixée à 16 MHz, la largeur de cette bande de fréquence (BW) est forcée à 30000 kHz pour couvrir de 16-15=1 à 16+15=31 MHz. Choisir l'onglet Z et cliquer sur le bouton [Detailed] (rep. D). Le calcul dure de quelques secondes à plusieurs minutes.  En fonction de la fréquence sont tracées les variations des deux composantes de l'impédance au bout de la ligne : R en bleu et X en rouge. Les valeurs maximales sont approximatives, il faudra reserrer la bande de fréquence pour obtenir plus de précision aux alentours des pics révélés par cette première simulation.


Examen approfondi
 Il n'est pas indispensable de faire toutes ces simulations. Aprés tout, la boîte de couplage se débrouillera bien pour que l'émetteur ne souffre pas d'une désadaptation d'impédance de la "sortie antenne". Mais si en modifiant légèrement la longueur de la ligne on peut lui faciliter le travail, ou par quelques simulations mieux comprendre le fonctionnement du système brin rayonnant/ligne, on n'aura pas perdu son temps. Comme on a relevé précédemment que l'impédance présentait un maximum aux alentours de 4 MHz, on va relancer la simulation sur une bande plus étroite (800 kHz) centrée sur 4 MHz.

Variations de l'impédance au bas de la ligne de 12,5 mètres.  En raccourcissant la ligne d'un mètre, R est passé de 1500 ohms à 800 sur la fréquence de 3,8 MHz. L'amélioration est intéressante mais il faut vérifier que la situation ne s'est pas dégradée sur les autres bandes.

  Les courbes de variations de R et X affichées dans la fenêtre "Plots" de MMANA ne sont constituées que de 21 points. Pour avoir des courbes plus précises il suffit de faire calculer à MMANA beaucoup plus de points (il y en a 162 dans les graphes représentés ici) et de les reporter dans un tableur. C'est très long mais instructif et plusieurs représentations sont possibles.
  Sur la figure de droite sont représentées les variations de l'impédance en fonction de la fréquence. L'axe des abcisses correspond à R, et l'axe des ordonnées à X, avec les réactances selfiques (positives) au dessus, et les réactances capacitives (négatives) en dessous. Au fur et à mesure que la fréquence augmente, la courbe s'enroule dans une sorte de spirale. En coloriant les points correspondants aux bandes amateurs, on peut d'un coup d'oeil voir que la plupart des fréquences utiles sont groupées dans le secteur des résistances et des réactances les plus faibles. La bande des 80m (3,5 à 3,8 MHz) s'étale sur les 5 points de couleur orangé. L'impédance Z=1900+j1900 correspond à la fréquence de 3,8 MHz que l'on retrouve à peu de choses près sur la figure ci-dessus à gauche.
  La figure ci-dessous montre les variations de
R et de X en fonction de la fréquence, mais sous la forme de deux courbes distinctes. La représentation de la position et de la largeur de chacune de nos bandes amateur sur le spectre décamétrique ont été ajoutées. On voit ici qu'en raccourcissant la ligne comme on l'a envisagé plus haut, les bandes 10, 14 et 18 MHz seront affectées par une augmentation de l'impédance au bas de la ligne et que les bandes 3.5, 7, 21 et 24 verront une diminution de l'impédance. La bande 28 ne verra pas un grand changement.




La réalité
L'antenne est en place, la ligne est tirée (elle mesure 12,5 m) il est temps de mesurer l'impédance au bout de la ligne pour confronter la modélisation, toute théorique, à la réalité.
Les mesures ont été effectuées à l'aide d'un "mesureur d'antenne" MFJ-269. Cet appareil a ses limites et l'une d'elles est l'impédance maximale mesurable : 650 ohms. Même si les pics de R et de X ne sont pas mesurés (et sont représentés par des trous sur la figure ci-dessous), on voit quand même que ces trous ne correspondent pas tout à fait avec les pics de la simulation. Par exemple, le maximum d'impédance (R et X) de 8 à 10 MHz mis en évidence lors du calcul, se retrouve dans les mesures entre 7 et 9 MHz


La réalisation
 Plus que dans tout autre domaine des réalisations d'amateur, l'installation d'une antenne est un cas unique car elle dépend de nombreux facteurs. Dans le cas d'une antenne filaire de grande longueur c'est une somme de petits problèmes qui devront rencontrer une somme de petites solutions glânées ça et là. En voici quelques-unes qui inspireront peut-être quelques-uns des constructeurs d'antennes filaires.

 Le potelet qui soutient le point d'alimentation de l'antenne (au milieu du fil rayonnant) est fixé à une souche de cheminée à l'aide d'un simple cerclage. Pour limiter les mouvements de la ligne, celle-ci est maintenue par une ficelle qui passe dans une entretoise fixée à mi-hauteur.  C'est un mât de planche à voile (rep. M) d'une longueur de 4m (dont 3 dépassant la cheminée) qui sert de potelet. Grâce à une longue ficelle en polypropylène passant sur la poulie P, le point d'alimentation T peut être descendu à portée de main pour maintenance éventuelle.  Les deux brins rayonnants en fil de cuivre émaillé de 2,2 mm de diamètre sont reliés par un simple noeud à un isolateur "tibia" en verre. La ligne en twin lead ajouré est constitué de deux fils d'acier cuivrés. Les fils raccordés par soudure font deux boucles assez larges pour encaisser les mouvements d'amplitude très faible dus au vent. La drisse qui permet de monter l'antenne est nouée à l'étrier en ficelle.


 La traversée du toit par la ligne bifilaire ne pose pas de problème d'isolement ni d'étanchéité en utilisant cette tuile de ventilation. La ligne pénètre dans le tube en PVC en remontant ce qui exclue le passage de l'eau. En outre la ligne est maintenue à bonne distance des tuiles pour éviter l'abrasion en période de vent.  Le tube en PVC est un tube de diamètre 25 mm pour installation électrique. Il a été aplati sur toute sa longueur après avoir été chauffé modérément au décapeur thermique. Il traverse une grille en plastique et il est maintenu par une bride en fil de cuivre fixée par vis chevillée dans la tuile en béton.